Ces journées comptent double pour Hector. Dans 3 jours, l’opération de rachat stratégique doit être conclue, mais plusieurs sujets épineux restent à régler. Depuis son arrivée, le manager de transition a piloté toute la négociation du SPA (Share Purchase Agreement) avec les multiples vendeurs : la famille des fondateurs, les fonds d’investissement et quelques actionnaires minoritaires. C’est lui qui a négocié le périmètre exact de l’acquisition, en excluant par exemple la filiale sous sanctions qui a occupé la toute première journée de sa mission. Hector avale rapidement un café avant de se rendre au comité de pilotage de l’opération– devenu quotidien à ce stade.
Le directeur général et tous les membres du Codir concernés sont présents pour cette réunion cruciale. Au programme : l’incertitude qui plane encore sur une autorisation bancaire pour une « petite » tranche de dette d’un montant de 100 millions d’euros. L’une des banques de financement réclame des garanties supplémentaires. Une menace forte pour le succès de l’opération… En première ligne, Hector et le directeur administratif et financier sont convoqués dans le bureau du DG juste après le Copil. La pression est maximale.
Après un mot d’encouragement de la directrice juridique Madame Lacroix, Hector se rend au point improvisé. Le directeur général hausse rapidement le ton et demande sans détour à Hector les chances de réussite. « Je veux un chiffre, et pas de la littérature » insiste le dirigeant. Habitué à ce genre de situation tendue, le manager de transition prend quelques instants de réflexion pour analyser tous les éléments à sa disposition et annonce son estimation : 80 % de probabilité de succès. « Faites que nous ne soyons pas dans les 20 %, » assène le directeur général pour conclure la réunion.
À peine arrivé dans son bureau, Hector est sollicité par le directeur de la communication financière. Il doit lui soumettre la énième version du communiqué de presse qui sera envoyé en cas de succès de l’opération. Chaque mot compte : Hector doit s’assurer que tous les termes sont bien conformes au droit boursier.
Le manager de transition juridique peut se remettre à son urgence de la journée. Il provoque une réunion téléphonique avec les conseils de l’entreprise et les avocats de la banque de financement pour aborder frontalement le point de blocage et trouver une solution pour le résoudre. Après 45 minutes d’échange en anglais, une piste commence à émerger. Les avocats doivent l’approfondir. Par mail, Hector prévient aussitôt la directrice juridique.
C’est l’autre priorité de la journée, en matière de droit environnemental cette fois. L’un des sites concernés par le rachat présente plusieurs points de non-conformité, notamment au niveau de la pollution des sols. Le vendeur doit proposer très rapidement des améliorations pour garantir l’acquisition.
Le juriste junior de l’équipe d’Hector entre dans son bureau : un actionnaire minoritaire d’une filiale du groupe menace de contester les comptes lors du prochain conseil d’administration. Un risque majeur de réputation dans cette période, mais l’entreprise dispose de 10 jours pour apporter sa réponse. Hector décide d’attendre quelques jours pour s’atteler à ce nouveau sujet en expliquant au juriste devoir se concentrer uniquement sur le closing. C’est aussi cela, sa mission de manager de transition juridique : assumer de prioriser les tâches.
Plateau-repas ce midi pour Hector, en compagnie de 2 juristes de son équipe et du directeur administratif et financier. Au menu du repas : déterminer la trésorerie exacte de l’entreprise en cours de rachat par rapport au contrat négocié. L’occasion aussi de faire un rapide état des lieux des autres sujets, dont le financement et les normes environnementales. Dans l’urgence, chacun reste professionnel, focalisé sur ce qu’il doit faire. Il ne s’agit pas de s’envoyer des piques ou se reprocher d’éventuels retards, mais d’avancer de façon coordonnée.
Entorse à ses priorités, Hector doit animer une réunion en visio de 15 personnes à propos de la cession de l’une des filiales du Groupe, qui ne fait plus partie du core business. Malgré l’anglais parfois approximatif de certains participants, le manager de transition reste concentré et laisse de côté quelques minutes le rachat en cours pour avancer sur d’autres enjeux de son entreprise.
À peine la réunion achevée, Hector rappelle les différents avocats pour faire le point sur le financement. Soulagement : tout semble avancer dans la bonne direction. Il en informe aussitôt la directrice juridique.
Jean-Christophe, le manager middle avec qui il a échangé le tout premier jour, vient lui faire part de sa frustration. Il estime ne pas être assez impliqué dans le projet de rachat. Même si Hector trouve le reproche injustifié, il saisit l’occasion et, en bon manager, lui propose de s’engager sur le sujet de droit environnemental. Une prochaine réunion sur ce sujet est prévue à 18h.
Réunion en tête-à-tête avec le directeur des opérations industrielles, qui doute depuis le début de la pertinence de l’acquisition et n’est pas confiant sur son aboutissement. Sans filtre, il se montre très critique envers la direction générale, et demande à Hector de relayer ses inquiétudes. Neutre, Hector lui rappelle que son rôle de manager de transition l’oblige à ne pas prendre parti dans ce genre de situation et que sa mission n’est pas d’être le porte-voix de ce type de discours. Face à l’emportement de son interlocuteur, Hector garde son calme et l’invite à se rapprocher directement de la direction.
Jean-Christophe et Hector se retrouvent pour aborder avec les équipes de l’entreprise en cours de rachat les problématiques environnementales. De meilleures garanties sont apportées, même si elles ne sont pas à la hauteur des attentes. Mais à 3 jours de l’échéance, Hector considère qu’il n’a plus le choix et que ce compromis est la meilleure option. Il en informe Madame Lacroix.
Hector débriefe avec Anne la journée passée. Après la démission de 2 juristes seniors de son équipe, Hector a recruté Anne, elle aussi manager de transition, le temps de voir comment structurer le pôle. Plusieurs incertitudes planent sur l’avenir de l’équipe : le directeur juridique de la BU américaine, initialement pressenti pour reprendre les attributions d’Hector, ne semble pas pressé de rentrer des Etats-Unis. La mission d’Hector pourrait donc être prolongée… Anne assure des fonctions d’adjointe pour Hector : ils échangent chaque jour sur tous leurs sujets communs.
Le financement semble approuvé… Hector peut enfin souffler. Pour renforcer l’équipe, soumise à de fortes pressions depuis plusieurs semaines, il propose à tous un verre à proximité du bureau. Un moment de convivialité, mais le manager de transition ne s’attardera pas : demain, un nouveau Copil se tiendra à 8h.
